Fils aîné du Roi François Ier, Ferdinand II, Roi des Deux-Siciles, naquit à Palerme le 12 janvier 1810 et mourut encore jeune, à Caserte, le 22 mai 1859. L’invasion du Royaume commença un an après son décès et personne ne pourra jamais affirmer si les évènements auraient pris un cours différent s’il avait été encore sur le Trône. Il serait légitime de penser que – face à l’homme et au souverain – Garibaldi et ses partisans auraient sûrement eu la tâche plus dure… Il porta d’abord le titre de Duc de Noto, puis, à la mort de son grand-père en 1825, devint Prince héréditaire et endossa celui de Duc de Calabre.
Il fut éduqué par des ecclésiastiques et des militaires: ceci explique sa foi profonde et sa passion militaire. Il était encore enfant quand les anglais pensèrent le nommer Roi de Sicile (selon leurs plans, il aurait été un garçon facilement manipulable), alors que pendant les agitations de 1820, les carbonari voulurent lui confier la couronne de la Lombardie. Par la suite, on pensa même à lui à la tête du futur Risorgimento. Mais Ferdinand ne se laissa jamais séduire par de telles résolutions aventureuses, soit par attachement sincère à sa terre et à son peuple, soit par conscience que ses droits de Roi reposaient sur la légitimité dynastique, égale et sacrée pour chaque souverain légitime, qui mérite d’être défendu et respecté doit dans ses droits royaux. A ce sujet, Ferdinand observa toujours, outre le septième commandement, le dicton évangélique “Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît”: cela explique que d’autres n’aient pas été inquiétés et purent en revanche s’emparer plus tard de ce qu’était la possession de Ferdinand et de ses héritiers légitimes. Après le départ du Royaume des forces autrichiennes, en 1827, son père le nomma Capitaine Général de l’Armée. Le 8 novembre 1830, avec la bénédiction du Roi Ferdinand sur son lit de mort, il monta sur le Trône encore très jeune et édicta une proclamation, où il promettait d’assainir les maux qui affligeaient encore le Royaume. Il consacra toute sa vie à tenir cette promesse. Il remplaça immédiatement certains ministres, diminua remarquablement les dépenses de la Cour, accorda une vaste amnistie aux détenus politiques et aux bannis, rappela au service les officiers de Murat, suspendus des mouvements de 1820, et s’abstint de punir sévèrement certains conjurés qui avaient attenté à sa vie, lors des premières années de son règne. Cette générosité et sa clémence ne lui firent cependant jamais négliger ses devoirs de souverain catholique et il s’opposa formellement aux réformes libérales de sa sœur Marie-Christine en Espagne, soutenanten revanche les positions carlistes.
Les évènements de 1848
En 1832, il épousa la Princesse Marie-Christine de Savoie, la quatrième fille de Victor-Emmanuel Ier, avec qui il eut son héritier, le futur François II; Femme d’une charité et d’un esprit religieux exceptionnels, de santé fragile elle eut une vie difficile à Naples qu’elle endura avec une grande résignation chrétienne. Marie- Christine étaient si vertueuse que tous ses sujets qui, de son vivant, la considéraient comme une sainte et l’Eglise Catholique plus tard l’a comptera parmi les Bénis.
Elle mourut au début de 1836, quinze jours après l’accouchement, réconfortée par les secours de la religion. Le 26 décembre de la même année, Ferdinand II épousa l’Archiduchesse Marie-Thérèse d’Habsbourg, avec qui il eut neuf enfants, parmi lesquels Alphonse, Chef de la Maison Royale après la mort sans héritiers de François II, en 1894, et plusieurs filles qui épousèrent d’autres souverains.
Après l’échec des mouvements des carbonari EN 1820-1821 et EN 1830-1831, la “Jeune Italie”, fondée par Giuseppe Mazzini, commença à s’établir, entreprenant immédiatement une série de tentatives pour renverser l’ordre établi. Comme celle des frères Bandiera, qui tentèrent un débarquement (avec en tout vingt hommes) contre le pacifique et légitime Royaume pacifique et légitime des Deux-Siciles, dans l’espoir que les populations les suivent et chassent les Bourbons. Ils connurent une fin tragique. Le parti modéré du Risorgimento trouva comme alternative à l’extrémisme de Mazzini, la proposition confédéraliste avancée dans l’œuvre “Il primato morale e civile degliItaliani”, – publiée pour la première fois en 1843 – où l’auteur, Vincenzo Gioberti, après une belle et passionnante exaltation de la primauté mondiale de la civilisation et culture italiennes – basée avant tout sur le fait qu’elle héberge depuis toujours l’Eglise Catholique – proposait comme solution à la Question Italienne, la création d’une confédération des Etats légitimes (tout en gardant leurs propres souverains) avec le Pape Romain à la tête. On le sait la proposition eut un grand retentissement, car elle prévoyait, d’un côté, le maintien de la civilisation catholique et traditionnelle, et de l’autre, l’obtention d’une forme d’unité confédérative, répondant, si elle était réellement et correctement appliquée, à toutes les exigences de l’époque. En 1846, le néo guelfisme de Gioberti eut encore plus de succès, suite à l’élection au Trône de Pierre d’un Pape, Pie IX, partisan du projet, qui, par ses réformes, devint le symbole vivant (malgré lui) du Risorgimento Italien lors de sa première phase. Ferdinand se révélait toujours sceptique, face aux concessions politiques toujours plus poussées que Pie IX faisait à Rome, bien que le projet de Gioberti, ne lui déplaisait pas.
Ferdinand aimait aussi sincèrement l’Italie. De fait il avait désormais presque vingt ans de règne derrière lui tirant la leçon de ce qui était arrivé à son grand-père, il avait appris à se méfier des libéraux et des révolutionnaires (dans son for intérieur, se méfiant aussi des intentions d’un autre souverain italien…). Le 12 janvier 1848, une révolte autonomiste éclata en Sicile. Ferdinand s’emportait que d’autres entamaient des réformes et que lui en subissait les conséquences. Dans un accès de courage et de défi lui qui se voulait étranger au mouvement réformiste général inauguré par Pie IX, pris de court tous les autres souverains italiens et accorda la constitution sur le champ, décontenançant entre autres le Pape, le Grand -duc de Toscane, les Ducs de Parme, de Modène et Charles-Albert à Turin qui, les uns après les autres furent contraints de suivre l’exemple et d’ accorder la constitution. Il était désormais évident que l’équilibre et l’ordre, établis à Vienne en 1815, n’avaient pas résisté; en outre, une révolution avait aussi éclaté à Vienne, et Metternich était sorti de scène. Le 18 mars, les milanais, profitant d’une telle occasion, s’insurgèrent chassant les autrichiens et demandant à tous les souverains italiens de combattre ensemble contre les Habsbourg, pour l’indépendance italienne. Du reste, après plusieurs hésitations, Charles-Albert était effectivement entré en Lombardie avec son armée et progressait contre le “Quadrilatère” autrichien. Il menait cette guerre seul et révélait ses réelles intentions, non pas le néo-guelfisme, mais plus simplement celles de réaliser l’ancien rêve de la Maison de Savoie, c’est à dire l’annexion de la Lombardie et de la Vénétie. Ferdinand, ayant flairé la situation, changea nettement d’attitude. Entre temps, Pie IX aussi replia ses troupes, pressé par l’éminence d’un coup d’Etat de Mazzini à Rome et par les menaces de schisme à Vienne, s’il Pape n’arrêtait ses mouvements militaires contre à l’Empire Catholique. Malgré son amour pour l’Italie, Pie IX restait avant tout le Pape de tous les catholiques. Ferdinand retira d’abord la constitution, moyennant un coup de force, afin d’éviter que le gouvernement ne lui échappe définitivement pour finir entre celles de Mazzini (comme cela était entrain de se passer à Rome et Florence). Ensuite il rappela ses soldats du front, vu que les faire sacrifier afin de donner la Lombardie à Charles-Albert (et non pour faire la Confédération Italienne) n’avait aucun sens. Enfin, manu militari, il reconquit la Sicile, mettant fin à tout désordre et velléité évolutionnaire et subversive, et se révélant un homme de caractère comme l’Italie en a connu peu. Un homme de caractère certes mais généreux: il pardonna aux condamnés à mort des évènements de 1848, clémence récompensée par l’attentat (qui a miraculeusement échoué) dont il fut la cible en 1856, par le révolutionnaire Agésilas Milano (un officier calabrais): ce fut la seule condamnation à mort que le Roi se refusa d’amnistier, à cause du fanatisme qui l’animait. Il se révéla toujours énergique avec des idées claires mais sa politique étrangère, ne visait que les intérêts de son peuple, auxquels ils ne renonçait jamais même face à l’Autriche et à la Grande-Bretagne. Dans les Années Trente, par exemple, quand il était encore un jeune souverain, il tint tête à Palmerston lors de la célèbre affaire des souffres siciliens. En 1816, le Gouvernement britannique avait obtenu de Ferdinand le monopole de l’exploitation du soufre sicilien moyennant peu d’argent, sans que le Royaume en tire de bénéfices. Ceci n’était pas du goût de Ferdinand II. Ce dernier avait aboli le droit de mouture (pour ne pas grever le peuple) et avait besoin d’argent. Il décida donc de confier le monopole à une société française qui offrait le double de l’Angleterre. Palmerston envoya immédiatement une flotte militaire devant le Golf de Naples, menaçant sans pudeur de bombarder la ville. Ferdinand II montra son caractère, ne flancha pas, préparant la flotte et l’armée à la guerre. Le tout trouva une issue par l’intervention de Louis-Philippe Roi des Français: le Roi dut rembourser aussi bien les anglais que les français (car le monopole resta aux anglais, qui n’oublieront jamais cet outrage)pour le préjudice causé Au delà de l’ affaire des soufres, qui rendit Palmerston furieux, il faut savoir qu’une des nièces de l’homme d’Etat anglais avait épousé le frère du Roi Charles de Bourbon et Palmerston avait exigé que Ferdinand l’admette à la Cour, avec le titre de Princesse royale. Cependant, la dame en question ne brillait pas par ses vertus, mais se révélait être une aventurière notoire. Ferdinand n’accéda jamais à son désir, soulevant davantage l’ire de Palmerston, qui se jugeait personnellement humilié par l’affront subi. Voir à ce propos de’ Sivo, Alianello, Acton, etc].
En 1851, Ferdinand refusa l’offre de l’empereur autrichien François-Joseph d’une ligue des Etats Italiens et n’accepta aucunement les pressions de changer sa façon de gouverner, ni de la part de Louis-Philippe, ni de Napoléon III ensuite. Par contre, il agit tout autrement avec l’Eglise. Il eut toujours une dévotion casi filiale et il offrit l’hospitalité à Pie IX, durant les deux années d’exil de Rome, après les évènements de 1848 et de la République Romaine. Mais il n’accorda jamais plus de ce qui était dicté par le Concordat en vigueur et, au contraire, il invita les jésuites de la “CiviltàCattolica” à quitter le Royaume. Les dernières années de sa vie furent en partie assombries par la conscience qu’il se tramait à Turin quelque chose de dangereux, avec l’appui de la Grande-Bretagne de Palmerston et des forces internationales du protestantisme et de la franc-maçonnerie. En 1857, il dut aussi subir la terrible expédition de Pisacane contre son Royaume. Mais, encore jeune, la mort le surprit la veille des évènements qui menèrent à la chute du Royaume, c’est à dire quand l’énergie, la clairvoyance et l’expérience qu’il avait toujours démontré lors de son règne fructueux, auraient été plus que jamais nécessaires.
Un règne de progrès civil et matériel
Ferdinand II fut assurément le Roi de Naples le plus aimé par ses sujets et c’est pour cette raison qu’il est, encore aujourd’hui, le souverain le plus calomnié, car l’histoire fut écrite par ceux qui détrônèrent son fils, par une invasion sournoise d’un Etat pacifique et allié, légitime et aimé par les sujets-mêmes. Il est cependant évident qu’un tel acte ne pouvait être justifié par les vainqueurs qu’en accusant , les Bourbon des Deux-Siciles de gouvernement indigne. Bref, pour fournir un semblant de justification historique à l’acte de piraterie contre le Royaume des Deux-Siciles sept fois centenaire, il fallait entacher la mémoire des détenteurs de ce trône et, en particulier, la mémoire de son meilleur et plus récent représentant (en effet François II étant à peine monté sur le Trône était encore trop jeune pour pouvoir être calomnié d’une façon crédible). Dans la prochaine rubrique dédiée à François II et aux faits qui menèrent à la chute du Royaume, nous approfondirons les évènements spécifiques de la politique de Cavour, de l’expédition des Mille et de l’héroïque résistance bourbonienne.
Mais analysons, pour l’instant, la politique réformatrice conduite par Ferdinand II, afin de comprendre les raisons pour lesquelles il devint le souverain le plus aimé pas son peuple. Ses détracteurs, ceux qui ourdirent directement ou indirectement la chute du Royaume, présentèrent son gouvernement comme “la négation de Dieu”; dès lors, tous les manuels scolaires d’histoire, et pas seulement, continuèrent à répéter péniblement les mêmes doctrine calomnieuse. En ce qui nous concerne, nous passons la parole à quelques-uns des historiens les plus célèbres, anciens ou récents, du Risorgimento qui, restant insensibles à de tels mensonges, surent décrire la vraie personnalité et les actes royaux du souverain. Angelantonio Spagnoletti [A. SPAGNOLETTI, Storia del Regno delle Due Sicilie, I Mulino, Bologne 1997, pages 80-90.] l’historien des Bourbons, décrit la popularité dont jouissait Ferdinand II auprès de ses sujets. Il fut assurément le Roi Bourbon de Naples le plus aimé; il avait à cœur de toujours soulager les souffrances de ses peuples lorsqu’ils étaient frappés par des tremblements de terre ou des épidémies, se rendant personnellement sur les lieux. Il était souvent présent en Sicile, pour résoudre directement les inévitables problèmes avec les populations locales difficiles. Même Luigi Blanch reconnaît l’attachement des populations au souverain et NiccolòTommaseo le décrit comme le meilleur des Princes italiens. Durant ses voyages, il vivait avec ses sujets, était le témoin à leurs mariages et baptêmes, leur laissait de l’argent, etc. Enfin, il aimait se présenter comme le Père de son peuple qui était, pour lui, sa famille. Spagnoletti commente (p.88): «La calomnie semblait accompagner constamment la vie et les actes de Ferdinand II; malgré cela, les milieux pro-Bourbons diffusaient l’image d’un souverain vertueux et loyal, qui avait gardé en lui la valeur, la clémence et la religion de ses ancêtres, avait évité l’implication du royaume lors des mouvements de 1830-31 et, en dépit de dangereuses interférences étrangères, il avait défendu l’honneur national durant la question des soufres et, grâce à cela il avait de son côté tout le peuple napolitain, qui s’était presque “identifié” avec les pensées de son roi». Carlo Alianello [C. ALIANELLO, La conquista del Sud. Il Risorgimento nell’Italia Meridionale (1972), Rusconi, Milan 1998, pages 121-126] écrit à proposdes réformes et des innovations de Ferdinand II. «Il voulut des routes, des ports, des assainissements, des hospices et des banques; il ne supportait pas beaucoup cette bourgeoisie pédante et rapace, la soi-disant bourgeoisie savante, les “braves hommes” [Et celle-ci fut sa grande “négligence”] . Il était Roi mais, contrairement aux modes de l’époque, ce n’était pas un “roi bourgeois”. Il fut un Roi au service des besoins de son peuple et nullement des intérêts de cette classe “pseudo intellectuelle”, qui avait exposé le Royaume à l’invasion de l’ennemi français, flirtant plus tard avec les usurpateurs de Murat. Il tenta plutôt de créer une bourgeoisie qui allait droit au fait. Il ne fut pas chanceux, du fait que, dans la région de Naples, il n’existait que la bourgeoisie des professions et des études, les “pennaruli e pagliette”, ceux qui avaient chassé son grand-père de Naples, très liés avec l’étranger pour des raisons idéologiques que le Roi, étant un roi, ne comprenait pas; et le groupe avide des propriétaires terriens». F. Durelli [F.DURELLI, Cenno storico di Ferdinando II, Re del Regno delle Due Sicilie, StamperiaReale, Naples 1859] dit que «En seulement quatre ans, de 1850 à 1854, furent réintégrés dans les domaines des communes, plus de 108.950 boisseaux de terrains usurpés et divisés au sort aux agriculteurs besogneux»; Alianello continue: «Je rapporte de l’Almanach royal du Royaume des Deux-Siciles de 1854, à la suite d’une longue liste fouillée dans les banques et les institutions de charité, la note suivante: “Il y a, outre les lieux saints etc. etc., dans les dominations continentales, un total de 761 différents établissements de charité, en plus de 1131 monts-frumentaires et monts-pécuniaires, des caisses agricoles et de prêt, et des écoles maternelles” (…) Selon sa volonté, on s’empressa de construire des routes, dont la production passa de 1505 (en 1828) à 4587 lieues (en 1855). Et pas des petites routes de rien du tout…». Celles-ci étaient en effet l’Amalfitana, la Sorrentina, la Frentana, qui fut interrompue par la venue des « libérateurs » et achevée cent ans plus tard. Puis la côte Adriatique, la Sora-Rome, l’Appulosannitica, qui reliait les Abruzzes et Capitanata, l’Aquilonia, qui reliait la Tyrrhénienne et l’Adriatique, la Sannita, de Campobasso à Termoli. Durelli continue: «Bref, de 1852 à 1856, ce qui ne fait que quatre ans, 76 nouvelles routes au niveau royal, provincial et communal furent construites. De nombreux ponts et, avant tous, le pont sur le Garigliano, suspendu avec des chaînes en fer, qui fut le premier de la sorte en Italie et un des tous premiers en Europe. Et puis les assainissements, la canalisation du fleuve Pelino, le colmatage des marais du lac de Salpi, l’assainissement des marécages de la Campanie (…) En 30 ans, la marine à voile a doublé, la marine à vapeur complètement créée: en 1855 elle comptait 472 bateaux, pour 108.543 tonnes, plus 6 navires à aubes, 6913 tonnes de différents navires à voiles. Et les instituts, les écoles navales et les industries». Décriant le contexte de son règne, Marta Petrusewicz écrit, «(…) la croissance de la population, la taxation et le système de la douane mieux réglementés, et le gouvernement engagé dans une intervention intelligente de construction de chemins de fer et de routes, de bâtiments royaux et de prisons modernes» [M. PETRUSEWICZ, Come il Meridione divenne una questione, Rubbettino, Catanzaro, 1998, page 37]. Pour comprendre davantage le personnage, lisons ce qu’ écrit par P.K. O’Clery, un zouave pontifical irlandais (qui parle en connaissance de cause), dans son œuvre célèbre sur le Risorgimento [PK O’CLERY, La rivoluzione italiana. Come fu fatta l’unità della nazione, (I éd. 1875, 1892), Ed. Ares, Milan 2000, pages 95-96.] Dès qu’il monta sur le Trône, Ferdinand II accorda l’amnistie générale, se comportant ainsi dans ses actions: «Pour introduire les critères d’économie dans les finances, Ferdinand réduisit considérablement sa propre rente, abolit plusieurs charges inutiles et quelques préséances royales. Il simplifia les procédures dans les Cours de Justice, substitua l’impopulaire vice-roi de Sicile, nommant son frère à cette charge et, quand il voyageait dans le Royaume, il interdisait aux municipalités de faire des préparatifs coûteux pour son arrivée, acceptant l’hospitalité de quelque résident, ou logeant dans une auberge d’un village ou dans un couvent franciscain. Il ne faut pas s’étonner qu’il fut un souverain populaire». Il faut rappeler aussi qu’en 1838, il adhéra aux accords franco-britanniques contre la traite des nègres et, toujours lors de la même année, il établit des peines très sévères contre les duels (aussi bien l’arrestation que la perte des titres de chevalerie), même pour les témoins. Il accorda l’amnistie aux détenus pour raisons politiques en Sicile, et une grande autonomie juridique et administrative à l’île; il suivit personnellement entre autres la lutte contre le féodalisme. L’économie fut en croissance continue [« malgré les oscillations, la politique économique bourbonienne fut d’une continuité remarquable ». PETRUSEWICZ, cité dans l’ouvrage, p. 72.] , et la marine marchande bénéficia aussi d’ un grand essor [CONIGLIO, cité dans l’ouvrage, pages 340-342.]. Donnons en exemple également ce qu’Angela Pellicciari a écrit [A. PELLICCIARI, L’altro Risorgimento. Una guerra di religione dimenticata, Ed. Piemme, Casal Monferrato 2000, p. 181-182.] . Dans le Royaume des Deux-Siciles, les frais prévus sont systématiquement supérieurs aux effectifs; on ne paye ni les taxes de succession, ni les taxes sur les actes de sociétés par actions et sur ceux des banques; la dette publique est minimum, le foncier menu, la Sicile est exempte du recrutement militaire, de la gabelle et de la régie des tabacs; en outre, comme il est écrit dans la revue “L’Armonia”, Ferdinand a «établi dans les plus importants centres de la population des «banques à blé» permettant aux agriculteurs de semer et de subvenir aux besoins de leurs familles, coupant ainsi bras et jambes à l’usure».
Tout ceci est aussi confirmé par Giuseppe Paladino, dans sa rubrique dédiée à Ferdinand II, dans l’Encyclopédie Italienne (Treccani), où il écrit: «Il donna une impulsion aux travaux d’utilité publique. Le premier chemin de fer inauguré en Italie fut la ligne Naples – Portici (1839), suivi dans le royaume par le tronçon Naples – Capoue. Sous le règne de F. II le réseau télégraphique à système électrique fut développé (…) La marine marchande à vapeur eut un accroissement important; en 1848 elle avait la troisième place pour le nombre et l’armement des navires. Une série de traités de commerce avec l’Angleterre, la France et la Sardaigne inaugurèrent un système éclairé de protectionnisme modéré (1841-1845). Les finances étaient administrées de façon admirable: le contribuable napolitain payait moins que les autres italiens…». En ce qui concerne l’administration de la justice, il faut rappeler qu’après la révolution de 1848, il n’y eut aucune exécution capitale (hormis celle d’ Agésilas Milano). Sur les 42 ordonnées par les tribunaux, Ferdinand II en commua 19 à laprison à perpétuité, 11 à 30 ans de travaux forcés, 12 à des peines mineures. [PETRUSEWICZ, (cité dans l’ouvrage à la page 114) « Plusieurs prisonniers, parmi lesquels De Sanctis et Dragonetti, après avoir purgé leurs peines par quelques années de prison, furent déportés apparemment en Amérique, tandis que les autorités savaient parfaitement qu’ils auraient été débarqués en cours de route à Malte ou en Angleterre, pour aller se réfugier dans d’autres pays européens». Durant les mêmes années, le Roi gracie 2713 condamnés pour des crimes politiques et 7181 pour des délits simples, tandis qu’à partir de 1848, la courbe de la criminalité est en diminution constante (quand fut engagé le procès contre Settembrini et Spaventa pour avoir fondé la société secrète l’”Unité d’Italie”, les observateurs étrangers, pourtant ennemis des Bourbons, durent admettre que le procès fut conduit avec une équité exemplaire) [PETRUSEWICZ, (cité dans l’ouvrage à la page 107) rappelle que durant les évènements de 1948 à Naples «Le sentiment prédominant ne fut ni républicain ni anti-bourbonien, autant pour le gouvernement que pour l’opinion publique. La plupart des leaders, hormis quelques républicains convaincus, comme Ricciardi, Saliceti et La Farina (le futur partisan indéfectible de Cavour), (…) estimaient que Ferdinand II était à même d’accomplir sa tâche». Du reste, dans ses Mémoires sur le Royaume des Deux-Siciles (Paris, 1866), le journaliste français Charles Garnier décrit ainsi la situation du Royaume: «les impôts étaient moins lourds que ceux du Piémont et moindres que ceux des italiens dans les années suivirent l’ unification ; le crédit du gouvernement solide, la dette basse, la conscription beaucoup plus tolérable; une grande partie des recettes étaient reversées dans l’agriculture et dans les travaux publiques, parmi lesquels nous rappelons le premier chemin de fer et le premier télégraphe électrique en Italie; s’ajoute à cela le premier pont suspendu et les premiers phares dioptriques qui furent réalisés dans le Royaume; et aussi le premier navire à vapeur. Le commerce était en croissance, les manufactures florissantes». En outre, Garnier fournit les preuves de la destruction les usines du Sud pour favoriser celles du Nord, lors des toutes premières années de l ‘Unification. A ces éloquents témoignages historiques rapportés jusqu’à présent, nous pouvons ajouter que Ferdinand voyagea énormément dans le Royaume pour visiter hôpitaux, prisons, champs d’exploitation, etc., afin de subvenir en personne aux vrais besoins de ses sujets; pour économiser et pouvoir diminuer les taxes, en plus de réduire les dépenses somptuaires de la Cour et dépenses personnelles, il réduisit le salaire des ministres et décréta, pour réduire le chômage, qu’une même personne ne pouvait pas occuper deux fonctions publiques; plusieurs parcs de chasse royaux furent rendus à l’agriculture; il développa l’industrie, surtout textile; il fit construire, en plus des routes et des chemins de fer déjà cités, des ports, des chantiers marchands, des ponts sur des fleuves, des cimetières en dehors des agglomérations urbaines, des hôpitaux, des conservatoires, des écoles maternelles pour les enfants pauvres, des maisons de retraites pour les malades mentaux (il éradiqua de fait la mendicité), des pensionnats pour jeunes filles, des prisons modernes et des instituts pour les sourds et muets; il se souciait de la culture en créant des chaires universitaires, il ouvrit des bibliothèques, des internats, et des écoles gratuites; il assainit les terres des marais de Siponto et de l’île de Saint Stéphane en face de Gaète et introduisit de nouvelles cultures dans le Royaume; fonda des instituts pour encourager l’entreprise financière honorant les meilleurs d’une médaille; à chaque occasion (mariages royaux, fêtes particulières, etc.) il dispensait des bienfaits aux pauvres et des dots de mariage aux jeunes filles nécessiteuses; Lors des épidémies de choléra il se rendait personnellement dans les hôpitaux, faisant de même quand il y avait des tremblements de terre ou des catastrophes naturelles, pour secourir matériellement les victimes; Il renforça aussi l’armée et la marine militaire, qui devint une des premières en Europe. Il y aurait encore beaucoup à dire. Mais il est évident que Ferdinand fut l’expression la plus grande et de la plus complète de ce réformisme politique et social, inauguré par son arrière-grand-père Charles et qui demeura toujours l’ empreinte de la Maison Royale de Bourbon des Deux-Siciles.